Au Vide Gousset, la Boulangerie - Paris 2 : elle vaut bien une traversée de Paris
Encore une jolie rencontre grâce à ce blog. Une rencontre avec un artisan-boulanger amoureux des bons produits, respectueux des clients qui ont parfois oublié le vrai goût du pain, un homme qui sait faire revivre de belles recettes familiales écrites en terres aveyronnaises, un boulanger capable de s’enflammer pour vous expliquer pourquoi il faut laisser plusieurs jours au pain pour lever, un défenseur du slow-food appliqué au pain. Un boulanger de père en fils ? Que nenni, Lionel Favario était encore il y a quelques années cadre dirigeant dans les télécommunications et puis un jour l’envie de mettre la main à la pâte, de faire quelques choses de ses mains et plus seulement de concevoir des solutions complexes permettant aux hommes de communiquer entre eux dans les entreprises et dans le monde.
Lionel Favario a fait ce dont rêvent beaucoup, il a abandonné son métier de cadre pour celui d’artisan, il est passé des télécommunications à la boulangerie, du virtuel au réel, du statut de salarié à celui d’entrepreneur. Mais ses diplômes et son expérience ne lui servent à rien dans cette aventure, enfin pas à faire du pain, alors retour à la case départ. En 2009, Lionel prépare son CAP de boulanger. Cinq mois, huit heures par jour, à l’EBP, l’Ecole de Boulangerie et de Pâtisserie de Paris, il apprend les secrets du levain et l’histoire du pain, il apprend avec modestie et passion son nouveau métier. CAP en poche, il se met à la recherche d’une boulangerie pour donner vie à son projet. Ce n’est pas aussi simple, alors en attendant il continue à apprendre dans le labo boulangerie de la Grande Épicerie, « que de l’artisanal mais des volumes énormes ! », puis à la Pâtisserie 152, le labo du groupe Costes.
«… Après quinze mois de recherche, comme je ne trouvais pas « LA » boulangerie de mes rêves, je me suis dit je vais chercher un bistrot ! Car mon idée de départ c’était aussi de faire de la boulangerie dans un lieu de restauration… ». Un jour par hasard, il apprend que le Vide Gousset est à vendre. Et voilà Lionel bistrotier en 2011, un minuscule bistrot de vingt-quatre places, un bistrot 17ème siècle, comme tout le quartier… avec une boulangerie à côté, qui sait, un jour peut-être le hasard fera bien les choses.
Et ce jour arrive plus vite que prévu, en 2012 le boulanger « d’à côté » veut vendre et partir ! Une belle boulangerie « dans son jus », le monte-charge date de 1850, dans la première cave un four à bois a été arrêté il y a quelques années, les jolis faïences Art Nouveau bleues vont inspirer les documents de communication du nouveau boulanger, les très jolis stucs au plafond ont été ornés dans les années 80 de manière assez naïve, maladroite, mais charmante de fleurs par une amie « artiste » des propriétaires d’alors.
Mais parlons enfin de l’essentiel : l’idée de départ de Lionel Favario, c’est seulement quatre produits, le Pain des Petits Pères, la Fouace du Vide Gousset, le Flan aux œufs au lait et la Tarte aux pommes. Mais l’endroit est grand, « … Avec mes quatre produits, cela faisait un peu Prague dans les années 70… », aussi d’autres produits sont apparus, des sablés, des cookies, des pains au chocolat, des croissants, des pains aux raisins, des roulés aux pistaches, des paninis pour le midi (au Saint-nectaire !), des sandwichs gourmands, et des cakes comme Sophie. « ... Je ne fais que de la pâtisserie boulangère, comme le millefeuilles ou le Paris Brest et surtout je donne toujours la priorité aux beaux produits : du beurre AOC Poitou-Charentes, du chocolat Michel Cluizel premier cru de Papouasie, des pistaches de Sicile, des farines des Moulins Bourgeois, des pralines de Romans, des raisins de Corinthe… ». Résultat : pas de surgelés ici, pas de formes standardisées, pas de flan jaune canari et taches marron comme partout.
Le Pain des Petits Pères est la star ici et un jour, nous en prenons le pari ici, on en parlera comme du pain des amis de Vasseur ou du pain de Chez Michel et on croise les doigts pour que des restaurateurs lisent ce billet et mettent sur leur table ce pain d’exception. Un pain de huit kilos, un pain frais très peu acide, quatre à cinq jours pour lever, un pain qui prend son temps, une croûte sombre, un pain très hydraté, « … Si tu l’approches de ton visage ça te rafraîchit, c’est un pain qui se garde deux semaines au moins, on peut le passer au toaster… ». On confirme, frais ce pain a un parfum de foin, grillé le matin il y a des parfums de fermes aveyronnaises en plein cœur de Paris.
La fouace, c’est notre coup de cœur, un gâteau de paysan pour les jours de fêtes, c’est le mariage du pain et de la brioche : de la farine, un peu d’eau, des œufs, du beurre et de l’Angélique cueillie sur les plateaux de l’Aubrac. Confite, la plante des anges, digestive et éloignant les sorcières, remplace les fruits confits des beaux quartiers, « … En Aveyron chaque village a sa forme de fouace, c’est dense mais fondant, frais on la mange avec du sucré ou du salé, avec du Cantal, trempée dans un vin liquoreux, le matin ça te met de bonne humeur, ça embaume dans le toaster ! Tu peux aussi faire un croque avec un bon jambon, la servir avec du saumon. Tu peux aussi la couper très fin, la passer sous le grill et la servir à l’apéro… ». On a du mal à couper Lionel lorsqu’il parle de la fouace, de sa fouace ! Et on comprend son enthousiasme après l’avoir essayé avec… du foie gras, sublime.
Et comment ne pas parler du flan aux œufs ? Une recette de la grand-mère de l’épouse de Lionel, une crème aux œufs, de la vanille en gousse, pas d’arôme ici, une pâte dont nous avons promis de ne pas révéler le secret, un dessert, un goûter, une gourmandise légère et peu sucrée.
On pourrait aussi parler de cette tarte fine aux pommes, la meilleure de Paris ? Mais nous préférons laisser la parole à cette cliente, très dame rive gauche : « Au début, je crois que les clients ont été déboussolés ! Nous étions habitués à une production standard, nous avons dû nous habituer au bon, nous avons dû réapprendre le goût de l’authentique mais Monsieur Favario est un professeur patient, il a rééduqué nos palais, c’est délicieux ici, vous ne trouvez pas ? ».
Si Madame, nous sommes bien d'accord et nous traversons souvent Paris pour la boulangerie du Vide-Gousset, oui, elle vaut bien une traversée de Paris...
Malheureusement, cette belle boulangerie a été reprise par l'enseigne Le Moulin de la Vierge qui possède déjà quatre autres boulangeries dans Paris.
Au Vide Gousset, la Boulangerie
10 rue des Petits Pères, 75002 Paris (cliquez sur l'adresse pour afficher le plan)
Téléphone : 01 42 60 02 78
Métro : Etienne Marcel
Ouvert du lundi au vendredi de 7:30 à 19:00. Et bientôt, ouverture le samedi.
Et juste à côté, Restaurant au Vide Gousset
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