"La Ruche qui dit oui !" s’inscrit dans le mouvement que nous croyons inéluctable de rapprochement des producteurs et des consommateurs, un mouvement qui privilégie une nouvelle relation à la consommation : on s’informe sur les produits, on connaît l’éleveur de poulets ou le producteur de poutargue, les radis ont de la terre aux poils et les poules qui ont pondu n’ont jamais connu la batterie… Ce n’est pas pour autant certifié bio mais c’est pour le moins une agriculture raisonnée ! C’est étonnant de voir la concordance de cette tendance avec celle que l’on observe à la table des Chefs : le produit retrouve toute sa place et pour cela plus possible de tricher, le produit est forcément beau et bon et le Chef accepte de partager la vedette avec « ses » producteurs.

Nous sommes devenus des « abeilles » (ça peut faire peur au départ…)  du 18ème et nous avons eu envie de vous faire rencontrer notre Reine (re-peur…) pour un éclairage différent, la parole est à Florence Servas-Taithe, diététicienne devenue presque par hasard responsable d’une ruche…

La Ruche du 18ème

(c) La Ruche qui dit oui !

 

Jack & Walter : Comment  La Ruche du 18ème a-t-elle démarré ? Comment t'es-tu retrouvée à sa tête ? (Pardon pour le tutoiement mais on ne va pas faire semblant comme à la télé...).
Florence Servas-Taithe : Au début je ne connaissais pas La Ruche qui dit oui !, c'est une copine à moi qui m'a dit  "Alors ça c'est vraiment pour toi !". Pourquoi ? Parce que j'adore cuisiner et que j'aime les bons produits. Je suis capable de traverser tout Paris pour aller chercher des épices ! En plus j'aime recevoir du monde, je suis assez connue pour ça. Le concept m'a tout de suite plu, j’ai été emballée. Le fait d'avoir le contact avec les producteurs, d'être l'interface entre eux et vous, je trouve ça génial. J'aime le partage et la communication, ce sont des valeurs qui me sont chères.
J'avais essayé d'autres circuits  comme un peu tout le monde. Ça ne me satisfaisait pas complètement : ça m'embêtait de recevoir un panier qui m'était imposé, j’ai des enfants en bas âge et quand je leur présentais du chou toutes les semaines, ils en avaient un peu marre !  D'un côté, cela me permettait d'aller chercher des recettes pour cuisiner des produits que je n'aurais pas forcément choisis mais d'un autre côté il y avait un peu saturation lorsque les mêmes produits, comme les choux l'hiver, revenaient chaque semaine mais je dois reconnaitre que j'étais cependant séduite par le goût des produits proposés et  que l'on ne retrouve absolument  pas dans les marchés du quartier qui ne sont pas des marchés de producteurs mais des marchés de produits issus de Rungis. Les produits ne sont pas très beaux, n'ont pas de goût, ils ont été frigorifiés, ils ont traîné.

Je suis diététicienne depuis vingt-cinq ans et je ne fais pas faire de régime ! Bien évidemment en début de carrière, j'ai prescrit des régimes mais je me suis retournée sur ma pratique et ça ne m'a pas tellement plu car je constatais que les gens enchaînaient les régimes sans résultat concret, en créant des troubles alimentaires. Donc je me suis arrêté de travailler, j'ai réfléchi, j'ai fait autre chose entre-temps. Quand j'ai repris mon activité, je me suis alors  tournée vers une façon de travailler qui respecte les gens et qui les fait travailler sur les sensations alimentaires. L'objectif est de leur faire retrouver la sensation de faim qui s’est souvent perdue, de satiété, de goût, de texture. Cela leur permet de savourer les aliments, de les respecter et donc de moins manger et, en conséquence, souvent de perdre du poids. Pour moi, c'était important aussi de me prouver que consommer de bons produits permettait de se nourrir différemment et de se rassasier plus vite. Ça m'a permis d'avancer et d'être sûre des valeurs que je souhaite transmettre.
Je traite en tant que diététicienne des cas assez lourds, notamment des troubles alimentaires. Certains de mes patients ont un parcours de vie heurtée et il se passe un transfert, ces gens me touchent. Sans l’avoir voulu, La Ruche est aussi devenue une espèce de bouffée d'air frais , le contact est facile avec les membres et les producteurs. L'enthousiasme qui règne dans cette Ruche me regonfle et j'ai besoin de ça.
La construction de La Ruche a démarré en novembre 2011. De novembre 2011 à janvier 2012, j'ai construit La Ruche qui a donc démarré en janvier 2012. On a fêté le premier anniversaire en janvier dernier. Tout a démarré très vite, d'une part grâce au bouche à oreille et d'autre part aux nombreux articles dans la presse. Et pourtant contrairement à ce que l'on pourrait penser, il est très difficile de trouver des producteurs.

 

J&W : Justement puisque nous parlons des producteurs : comment les trouves-tu ? Sont-ils sur plusieurs Ruches ? Sont-ils bios ? Sont-ils réguliers ? Bref, on veut tout savoir !
FST : Le premier problème auquel j’ai été confrontée en tant que responsable de Ruche, c’est que les producteurs d'Ile de France sont extrêmement sollicités ! Tout simplement parce qu'il faut nourrir Paris, et donc ils n'attendent pas après nous. Un producteur doit se situer à moins de 250 kilomètres, quand il entre dans La Ruche, il a un certain nombre de documents à fournir, notamment pour ceux qui font de l'agriculture biologique, pas question de raconter n’importe quoi aux abeilles ! Une fois qu'un producteur est « référencé » dans La Ruche, je peux l'appeler pour lui demander s'il veut travailler avec moi car les producteurs peuvent être inscrits sur plusieurs Ruches. Je travaille avec d'autres Ruches, par exemple celle du 9ème ou avec Hélène dans le 10ème arrondissement : quand on a de bons producteurs, on se donne le mot, on partage !

Aujourd’hui il y a une trentaine de producteurs à la Ruche du 18ème. Certains viennent à chaque distribution, d'autres viennent moins souvent. J'essaie de varier les offres, je n'ai pas envie d'avoir toutes les semaines les mêmes produits et je dois aussi jongler avec la place de mon local qui est limitée (ndlr : dans le 18ème Florence organise la distribution chez elle…).
Les producteurs ne sont pas forcément bios mais les cultures doivent être raisonnables, raisonnées. Pour les bouchers je tiens absolument à connaître l'origine des bêtes. Idem pour  les charcutiers, certains utilisent des bêtes qui viennent de l'abattoir mais moi  il m'importe qu'elles soient nourries avec des aliments de la ferme, élevées et transformées sur place . Cela donne confiance, et je cherche  un éleveur qui fait sa propre charcuterie !

Les pains de la Boulangerie des six Moulins (1) Les oeufs de Nicolas Thirard Les terrines de la Ferme du Loup Ravissant Les pains de la Boulangerie des six Moulins - Les oeufs de Nicolas Thirard - Les terrines de la Ferme du Loup Ravissant


J&W : On voit bien l'intérêt pour les producteurs, on voit bien l'intérêt pour nous et quel est l'intérêt pour le responsable de La Ruche au-delà du plaisir ?
FST : Aujourd’hui je commence à gagner de l'argent. C'est un complément de revenu intéressant. Un responsable touche environ 10% sur les ventes hors taxes. C'est du temps que je ne comptabilise pas car je m'en occupe le soir, entre les consultations… J'y passe énormément de temps. Les producteurs m'envoient leurs offres et les mettent en ligne sur La Ruche. Parfois, je suis obligée de relancer les retardataires ou d’en appeler certains lorsque j'ai des doutes sur certains produits. Je sélectionne les offres et propose une vente tous les quinze jours. Ce qui prend le plus de temps, c'est la communication, notamment tous les messages privés pour répondre aux questions des abeilles mais c’est indispensable !
Dans La Ruche, j'ai aujourd'hui plus de 1 500 inscrits. Certains n'ont jamais commandé, ils se sont juste inscrits pour voir, 600 ont commandé au moins une fois. A chaque vente, j'étais jusqu'à présent dans une fourchette de 100 à 120 commandes. Mais depuis le printemps, je suis passée à 150. Les deux heures de distribution sont donc très intenses, je ne vois pas le temps passer. Dès 18 h, certaines personnes attendent devant la porte et souvent on ferme vers 21h30. Ça commence à être une grosse Ruche. Ma copine du 10ème, qui a été la première à Paris, en fait environ 200.


J&W : Les membres de La Ruche font-ils des suggestions ?
FST : Oui, par exemple on m'a suggéré dernièrement de proposer des fromages de chèvre secs. J'ai amené aussi mon producteur à faire de la tome de chèvre. Il y a une chose qu'ils ne me demandent pas mais que je veux absolument intégrer, c'est la charcuterie. C'est difficile de trouver un charcutier qui a ses bêtes. Je suis actuellement en discussion avec un charcutier en Normandie que je souhaiterais faire rentrer, mais c'est compliqué car il y a les contraintes liées à la sécurité des aliments et au transport mais je vais y arriver ! Je souhaiterais aussi proposer d'autres fromages comme le brie ou le coulommiers : nos fromages d'Ile de France ! C’est peut-être utopique mais si on offre des filières valorisantes pour les producteurs, peut-être qu'un jour on repeuplera l'Ile de France avec des producteurs ? Il y aura alors moins de désertification des terres agricoles.


J&W : Au bout d'un an, quel premier bilan fais-tu ? Si c'était refaire, le referais-tu ?
FST : Oui sans aucun doute ! Tout en étant différent, il y a un lien avec mon métier de diététicienne et pour moi c’est important. De plus c'est tout ce que j'aime : la communication, le partage, la cuisine… Même si cela me demande beaucoup de travail, c'est « ma petite récréation » et j'aime ça. Je me mets beaucoup plus facilement à ma Ruche, qu'à faire ma compta par exemple. Mon entourage est impressionné de voir la place que La Ruche a pris dans ma vie. Je trouve que ça m'apporte beaucoup, les gens sont très gentils, j'ai des retours positifs et c'est très valorisant. Parfois, certains producteurs peuvent, grâce à nous, investir ou embaucher, alors là tu as encore plus l'impression d'apporter quelque chose. La Ruche est aussi un espace de convivialité, certaines personnes se sont connues à la Ruche, on recrée du lien ! Les producteurs aiment avoir des retours de leurs consommateurs, ce qu'ils n'ont pas en général lorsqu'ils travaillent avec la grande distribution. Je suis fière de voir que les gens ont adhéré au projet et que certains me suivent depuis le début. Alors oui, si c’était à refaire, je le referais sans aucune hésitation !


Pour prolonger la lecture de notre interview et mieux comprendre le fonctionnement de La Ruche qui dit oui !, cliquez ci-dessous :

Vidéo La Ruche qui dit oui !

 

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La Ruche du 18ème - La Recyclerie

2 rue Belliard, 75018 Paris (cliquez sur l'adresse pour afficher le plan)

Métro : Porte de Clignancourt

www.laruchequiditoui.fr

Distribution hebdomadaire le jeudi de 18:00 à 20:00

 

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