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Les bonnes tables (ou pas) de Jack et Walter
14 février 2014

Coup de gueule : On ne va pas se flasher pour si peu ?

On y avait déjà eu droit l’an passé, presqu’à la même époque, on y aura droit l’an prochain, c’est un peu un marronnier désormais, une nouvelle tarte à la crème  juste avant la sortie du Guide Michelin : les Chefs veulent interdire les appareils photos et autres smartphones dans leur restaurant…

Photo

 C’est reparti comme en quatorze avec une dépêche de l’AFP, un article de L’Express et l’embrasement des réseaux sociaux. Tout le monde en parle, nous aussi, nous sommes coupables, à tel point qu’un des Chefs mentionnés, porteur bien malgré lui de l’étendard des antis  est aujourd’hui assailli par les journalistes qui veulent savoir pourquoi il a mis un logotype sur sa carte avec un appareil photo barré d’une croix rouge mais malheureusement aucun ne lui parle pas de sa cuisine. Il y a les pour, il y a les contre, on croirait revivre l’invention de l’imprimerie.

Le cabillaud et le pigeon auraient donc droit eux-aussi à une vie privée, ils ont le droit de sortir avec un panais frit sans que la lentille le sache, voire de sortir ensemble, casqués ou pas. Plus sérieusement, là on nous dit avec force arguments juridiques que le restaurant est un lieu privé accueillant du public et non un lieu public, là les photographes professionnels moquent l’amateurisme des bloggeurs qui eux-mêmes critiquent les plats retouchés, maquillés, huilés, éclairés comme des mannequins, bientôt on protestera contre les ravages du Photoshop en gastronomie. Ici c’est la propriété intellectuelle et artistique qui est invoquée.  Qu’est-ce qui est à moi ? Qu’est-ce qui est à toi ? Trop tard je l’ai mangé. Ailleurs les journalistes gastronomiques se lamentent « le métier ce n’est plus ce que c’était » et on pense à Fernand Raynaud « ça eut payé mais ça gagne plus », et puis là encore que les photos ne mettent pas en valeur le talent du Chef ou  ici que les photos enlèvent l’effet de surprise…

Bonnes tables

Stop ! On se calme, on relativise, on ne parle que de cuisine. Tout d’abord ce ne sont pas « les » Chefs qui en ont assez mais « des » Chefs. Ensuite tout ce bruit médiatique c’est un peu « l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours ». Au cours des deux dernières années nous avons eu la chance de découvrir plus de deux cents tables, jamais nous n’avons rencontré de clients montant sur une chaise ou une table pour prendre une photo, et pourquoi pas grimpant aux lustres ! Par contre on a entendu des enfants qui hurlaient - doit-on les interdire ?, vu des curetages de nez - doit-on les couper ?, des tables vides de fumeurs sortis se nicotiner - doit-on les en empêcher ?, des dress codes non respectés - doit-on refouler les étourdis ?, du mâchage bouche ouverte - doit-on la leur fermer ?, des solitaires cachés derrière un journal - doit-on le leur arracher ?, sans parler du claquage de doigts pour appeler le serveur, des slurps avec la cuillère, des absences de merci, des flashs désagréables, des pelotages de Saint-Valentin et autres soupes de langues… Le Chef doit-il interdire tout cela ? Le Chef se sent-il une âme d’éducateur ? Le Chef va-t-il sauver le monde après avoir sauvé la télé ? Le Chef est-il aussi le chef ?

Keep calm Keep Calm bis

En fait les choses sont bien plus simples : il suffit de préciser « photos interdites » et surtout d’informer le client au moment de la réservation. Libre à lui ensuite de venir ou pas. C’est le  choix que nous avions fait avec le Chef dont tout le monde parle aujourd’hui, et nous ne sommes pas fâchés pour autant. Nous ne sommes pas allés chez Daniel Boulud à New-York pour la même raison, son assistante, absolument charmante, nous proposait des photos « professionnelles ». Nous n’irons pas non plus  chez Gilles Goujon malgré ses trois étoiles et son talent car nous ne voudrions pas ajouter à son traumatisme, ce n’est pas grave pour eux, ce n’est pas grave pour nous.

Mais pitié Chefs, évitez-nous les discours lénifiants du style « nous devons éduquer le client » ou alors ne vous limitez pas aux photos (bon courage !)… ça serait dommage de se flasher pour si peu.

 

Pour compléter on pourra relire un billet que nous avions publié sur l’excellent Atabula « Chefs, critiques, bloggeurs, je t’aime moi non plus ».

 

VOUS AIMEZ ? Dîtes-le, partagez-le, tweetez-le... c'est juste en dessous :-)

 

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Commentaires
E
Votre billet est très bien écrit et développe de manière intelligente le sujet ... cependant, travaillant dans la restauration pour moi le problème n'est pas dans le fait ou pas d'être un chef "cool", ou "2.0", mais peut être que d'une manière un peu gauche, ces hommes et femmes qui se tuent a la tâche pour nous faire oublier un peu le temps d'un dîner le reste du monde en faisant chanter nos papilles, essaient juste de nous aider. Aujourd'hui on imaginerait plus des restaurants fumeurs comme nous les avons vécus a l'époque, mais est-ce qu'à l'époque on aurait imaginé voir des personnes qui ne font plus attention a ce qu'il y a dans leurs assiettes, le nez collé a leurs smart phones, en quête d'une connexion wifi ou en train de poster leurs photos prises des plats ... le manger attendra, quitte a ce que cela refroidisse. Facebook c'est tellement plus important ! <br /> <br /> Hé les gens ! Réveillez vous. On peut aimer la technologie et pour autant garder un tant soit peu d'authenticité ... non ?
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R
Pour moi cette histoire de photos montre bien la méconnaissance et la peur des chefs face au digital. Il y a et y aura toujours des clients qui abuseront et pas seulement des photos, l'article en parle délicieusement bien. Par contre mettre tout le monde dans le même panier je trouve ça agaçant. <br /> <br /> <br /> <br /> Moi je prends des photos (avec un apn sans flash) pour le souvenir mais aussi pour mon blog, le restaurant qui me refuserait ça perdrait une cliente immédiatement. En gros je laisse l'assiette et je pars, mais je pense que la mauvaise humeur suscitée par la faim risque de faire une mauvaise image au restaurant sur le net, alors que je déteste le principe de lynchage en ligne. Je partage globalement les bonnes expériences sur mon blog et quand je critique c'est justifié avec mes arguments. Je ne vois pas pourquoi un inspecteur du guide michelin aurait le droit de réaliser une critique et pas moi.<br /> <br /> <br /> <br /> En fait je pense qu'un peu d'éducation autour du web serait une bonne chose, les jeunes chefs gèrent bien les effets buzz et réseaux sociaux (y a qu'à observer Cyril Lignac), mais les plus anciens sont largués et se braquent. Et s'ils ne veulent pas qu'on prenne des photos ils n'ont qu'à utiliser la cuisine moléculaire... c'est quasi impossible à capter sur une photo, ça limiterai les photos lol...<br /> <br /> <br /> <br /> Bref imaginez l'industrie cinématographique qui interdirait de parler de ses films après la séance (parce qu'il ne faudrait pas influencer ou spoiler les autres personnes), ou les hôtels qui refuseraient qu'on prenne des photos souvenirs de peur de se retrouver en négatif sur tripadvisor ... ça n'a pas de sens
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M
Mesloise : un chef qui a compris la critique 2.0 ! Je rêve d'y aller !
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M
Bonsoir! Bien que n'étant ni Francilienne ni grande voyageuse,j'aime à suivre vos articles,toujours pertinents et argumentés.Celui-ci me ravit,car il dénonce une tendance qui va grandissant...<br /> <br /> Je voudrais juste vous faire partager un grand moment vécu chez Régis Marcon cet automne. A notre arrivée,nous avons presque été encouragés à photographier les plats! Et dans la chambre,nous avons eu le plaisir de trouver un livre où le chef livre ses recettes! Si ce n'est pas de la transparence....<br /> <br /> Je ne m'étendrai pas sur le merveilleux souvenir de ce week-end,mais je vous conseille d'aller juger par vous-même.<br /> <br /> Amicalement et encore merci pour vos articles!
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J
Très bon article, bravo !
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