Le Bernardin - New York : Trois étoiles ne veut pas forcément dire Triple Miam…
Les plus anciens des gastronomes se souviennent peut-être du premier Le Bernardin ouvert à Paris en 1972 par un frère et une sœur venus de Bretagne, petits-enfants de pêcheurs, ce devait forcément être un restaurant de poissons. Les deux étoiles arrivent en 1982.
En 1986 l’aventure prend un nouvel envol, Maguy et Gilbert Le Coze ouvrent Le Bernardin à New-York, là où il est toujours aujourd’hui. Gilbert en est le Chef mais il disparaît brutalement en 1994. Maguy ne lâche rien et s’associe avec Eric Ripert, un Chef français né à Antibes, la cuisine française reste à l’honneur, tout comme le poisson. Le succès est confirmé, Michelin attribue trois étoiles, le Chef fait de la télé et écrit des livres, les touristes du monde entier affluent et prennent des photos (comme nous !), les riches New-yorkais y célèbrent les évènements de la vie et le midi les contrats se signent au Bourgogne.
Quoi en dire ? Nous y avons déjeuné pour profiter des prix plus abordables mais attention, le menu est tout de même à 85 $ pour entrée-plat-dessert, sans les taxes et sans le service qui aux USA n’est pas compris (entre 18 et 25% ou plus selon votre satisfaction), ça pique un peu…
Tous les marqueurs du luxe sont là : voiturier, vestiaire, dress-code, sommelière avec tastevin en pendentif, bouquets gigantesques, orchidées, nappage, argenterie, livre de cave, hiérarchie marquée en salle du directeur de salle au runner, celui ou celle qui porte les plateaux des cuisines à la table mais qui n’a pas le droit de les poser…
Et pourtant pour nous cela ressemble plus à une très belle brasserie chic qu’à un restaurant triplement étoilé. Les marqueurs ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre, nous nous étions déjà fait la remarque chez Jean-Georges, à New York également ou chez Chihana à Kyoto. Ainsi la mise en bouche est une simple rillette de saumon, au demeurant très bonne. Elle va bien avec ce pinot noir de Californie repéré parmi les vins les plus abordables de la carte (enfin abordable, tout est relatif…), une proximité troublante avec un bourgogne, jusqu’au nom français.
Nous qui avons tant milité pour le retour en grâce de la sauce sommes servis : il y en a dans tous les plats. Sauce escabèche avec l’étonnante morue dessalée, parfum d’ail et légère acidité vinaigrée, sauce crémeuse et parfumée à la truffe avec les pâtes, bouillon corsé presque noir avec le flétan à la chair blanche floconneuse ou encore sauce bouillabaisse avec le bar, on reconnaît les inspirations de la French Riviera, de la French Touch du Chef qui travailla un temps à la Tour d’Argent. Les cuissons sont parfaites et on sait combien l’inspecteur du guide rouge est tatillon sur ce point, d’autant plus remarquable que les cuisines envoient en quelques heures des centaines d’assiettes. Oubliez les trois étoiles à la Française où l’on s’installe pour quelques heures dans une ambiance feutrée avec vingt ou trente couverts. Ici les tables doivent tourner, deux fois, trois fois, voire plus ? On ne sait pas mais c’est une approche très américaine de la grande restauration ; d’ailleurs les services du soir commencent pour le premier à 17 h 15, à l’heure où en France, on n’a pas encore commencé à penser à l’apéro…
On peut aussi regretter le manque d’information sur les produits. Ainsi quid de ce flétan, excellent, dont on sait que la reproduction est menacée à l’est du Canada, quid de ces morilles ou de ces truffes dont on ne saura nous dire d’où elles viennent. Cette préoccupation du traçage des produits chez les Chefs français ne semble pas être ici une question importante. Comment voulez-vous alors qu’on réussisse à signer un traité de commerce transatlantique ? Mais notons d’ores et déjà que d’autres tables s’en préoccupent fortement à l’image de Foragers dont nous reparlerons ici bientôt et qui est notre coup de coeur de ce voyage.
Toujours avec nos vestes, dress-code oblige, on a choisi les desserts, plutôt décevants à l’image de cette pavlova dont la meringue a perdu toute sa texture si particulière, elle est ici très sèche. La crème fouettée manque de matière grasse, elle est devenue mousse aérienne et l’excellent sorbet noix de coco et yuzu ne la sauvera pas, dommage, un peu trop basique pour un trois étoiles, à l’image de ce bistrotier financier à la cerise servi en guise de mignardise, pour le moins raccord avec la rillette de saumon du début…
Alors faut-il y aller ? Si votre portefeuille ne le permet pas, l’expérience Jean-Georges est plus intéressante. Si votre portefeuille le permet, sans doute que d’autres expérience sont plus tentantes, simple yumi pour Le Bernardin ou si vous préférez en français MIAM.
Nous avons choisi le Lunch - Trois plats à 85 $ :
- Morue "Serenata" - Morue grillée légèrement salée, avocat, yucca, poivre escabèche
- Pâtes à la truffe et aux fruits de mer - Tagliatelles, crabe, Saint-Jacques, homard, émulsion de truffe noire
- Bar, poireaux crayon, rouille oursin et haricots de mer, sauce bouillabaisse
- Flétan poché, daikon braisé, marmelade de cébette, bouillon citron confit et kimchi
- Chocolat péruvien - Gâteau au chocolat tiède, figue caramélisée, glace au chocolat épicé
- Pavlova aux fruits exotiques, ananas rôti, confiture de goyave, sorbet noix de coco-yuzu
Les pains Pinot noir Copain Tous Ensemble 2014 L'addition (2) : 276.55 $
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155 W 51 Street, New York NY 10019 - Téléphone : 00 1 212 554 1515
Métro : 50 Street (1-2) - 7 Ave (B-D-E) - www.le-bernardin.com
Ouvert du lundi au vendredi de 12:00 à 14:30 et du lundi au samedi de 17:15 à 22:30 (23:00 le vendredi et le samedi)