La Dame de Pic - Paris 1 : Elle est pour nous la Dame de coeur... ça Valence pas mal à Paris !
Anne-Sophie Pic n’est pas pour nous « La Dame de Pic », elle est la Dame de cœur, celle qui a repris la légende familiale de Valence et en fait une histoire vraie qui se raconte dans toutes les écoles de cuisine du monde, celle qu’on n’attendait pas parmi les triple-étoilés, cercle d’hommes entre eux, celle qui ne crie pas en cuisine, celle qui invente une cuisine qui n’en copie aucune autre, cette Chef (C’est quoi le mot féminin ? Cette Cheffe ?) que nous trouvons si jolie et si douce et qui imagine des restaurants à son image.
Jusqu’à ce dîner chez « la Dame de Pic », nouveau lieu parisien déjà classique après dix jours, nous aurions écrit cela d’après nos lectures,d’après les interviews. Elle n’était pas en cuisine ce soir-là, comment pourrait-elle en plus avoir le don d’ubiquité ? Mais tout à coup la voici, elle entre furtivement, se faufile en cuisine, premier réflexe pour discuter avec l’équipe, on l’imagine repartir avec ses invités, d’autres projets peut-être déjà, Madame Pic est aussi une gastro-entrepreneuse. Mais non, elle demande pardon pour sa tenue qui n’est pas celle habituelle, mais pourquoi demander pardon ? Splendide imper en cuir beige, cheveux tirés, image hitchcockienne, elle traverse la salle, charmante et charmeuse, sur des souliers à talon haut à faire verdir de jalousie les fashionistas, elle parle d’une voix douce, s’inquiète du confort de chacun, explique à notre voisine que le petit pois, oui, c’est sucré. On aimerait prolonger ce moment et lui poser mille questions qui ne viennent pas, on voudrait lui dire ce qu'il faudrait améliorer puisqu'elle nous le demande, que Lysie à l’accueil est une perle à l’accent enchanteur, qu’on aimerait prendre une photo mais on est là bouche bée, comme deux enfants qui rencontrent la fée clochette, elle aurait pu nous dire « Fermez la bouche les garçons ! », en remontant notre mâchoire inférieure d’un geste assuré ou en claquant des doigts pour nous sortir du rêve, elle est déjà repartie.
Voilà, si on vous dit tout ça, c’est pour vous dire que ce billet va sans doute manquer d’objectivité… Vous êtes prévenus.
Nous avons de la chance, nous sommes au bout de la longue table d’hôtes, deux places à côté des cuisines. La cuisine n’est pas au fond, elle est la vitrine, Anne-Sophie Pic n’a rien à cacher, cube blanc et acier se détachant sur ce gris-noir que nous aimons, comme une cheminée ouverte, et sur la rue, et sur la salle. La rue n’en revient pas, cette rue où depuis nos premiers pas dans Paris l’enseigne du détective privé nous intrigue, cette salle si jolie, si féminine, imaginée par la Dame et Bruno Borrione, briques blanches, mobilier pompidolien, cuir cognac, moquette foncée, façon vache ou vison, nous ne sommes pas d’accord, cristal de Baccarat, grosses roses (les mêmes que chez Dior ?), vrais laguioles en forme de vague. Anne-Sophie Pic aurait pu comme ses collègues ouvrir un gastrobar, une cantine d’étoilé, non elle crée un nouveau restaurant, gastronomique cela va sans dire, un endroit à son image, très très beau, elle repart à zéro.
Si nous pensons comme elle qu’ « un plat se regarde, se hume, se goûte, se déguste » (Prenons le temps de sentir la cuisine !), nous ne sommes pas sensibles à l’idée des menus-parfums mais cela nous a amusés et cela permet de remettre la lumière sur l’importance de l’odorat en cuisine, rien que pour cela, c’est finalement une bonne idée. Trois menus au choix le soir, le « Vanille Ambrée » (parfum étrange), Iode et Fleurs (on se rapproche de la mer), « Sous-bois Epices » (le plus réussi car le plus évocateur). Nous avons choisi la version épicée et la version iodée et fleurie, délaissant la version plus classique au parfum le plus abouti, comme quoi… Excellents choix ! Et nous voici emportés dans un tourbillon de douceur, pas de tempête dans l’assiette mais de la sérénité, rien que de la belle ouvrage, d'une rare précision, bravo au jeune Chef Xavier Jarry et des surprises à chaque bouchée.
Pensiez-vous qu’un petit pois puisse se faire malicieux avec la pointe de réglisse et la racine de galanga plus douce que celle du gingembre ? Pouviez-vous les imaginer couvrant une crème royale ? Rien à voir avec la presse à scandale ! Aviez-vous déjà imaginé une sardine prendre le thé ? Aviez-vous imaginé des tomates se poudrant pour sortir et s’emmitouflant dans un vison de mozza en y cachant une flasque de rhum ? Pensiez-vous qu’une huître, même de Gillardeau, puisse construire un pont allant de la Bretagne à la Tunisie ? Oseriez-vous demander à une gentille volaille de Bresse de se battre au couteau pour une fleur d’oranger ? À une jolie figue de se farcir un gras de Colonnota ? À un cochon de Bigorre de débuter un régime au thé vert ? À un baba de se passionner ? À une bonne poire de se parfumer à la violette ? Et bien Madame Pic ose tout ! Avec talent et on la suit sans peur dans l’écriture des bonheurs d’Anne-Sophie. Alors quoi ? C’est bien ou pas ? Rien à redire ? Ce n’est presque pas crédible ! D’autant qu’en lisant les deux ou trois premières critiques on a un peu l’impression de parler d’une icône… Non, désolés, c’est très bien !
Alors évidemment, si vous nous provoquez, ce n’est peut-être pas une bonne idée que de toujours vouloir être les premiers à découvrir, on essuie un peu les plâtres mais c’est aussi cela qu’on aime. Il faut que la jolie Dame transmette un peu de sa sérénité et de son calme au Chef Xavier Jarry (Chef, c’est une cuisine ouverte : on entend tout, on voit tout… Keep cool, la bonne fée veille !) ou à l’excellent sommelier si savamment intéressant mais encore un peu brusque (ah ce Syrah Viognier proche de Valence, de chez Perrier, un vin très abordable pour le lieu, autre point positif). Elle doit aussi transmettre un peu de sa connaissance à un service attentionné, adorable et souriant mais qui ne doit pas oublier le jus avec le cochon, sans le thé vert son régime est foutu, et qui doit savoir aussi nous raconter des histoires de producteur, l’huître est de Gillardeau mais d’où viennent ces petits pois et ces tomates, stars d’une soirée ? Les bons producteurs font aussi les belles assiettes.
Voilà vous voyez, c’est très bien et c'est MIAM MIAM car toutes ces petites remarques mesquines n’auront plus lieu d’être dans quelques jours et il nous tarde d’être le 16 novembre, ce devrait être la nouvelle carte, puisqu’elle change tous les deux mois ! On veut retourner au Pays des Merveilles. Merci Madame Pic.
Nous avons opté pour les menus Vanille ambrée (79 €) et Iode et Fleurs (100 €) :
Vanille ambrée :
- Les petites tomates de pays, mozzarella, vanille, vieux rhum
- Le petit pois de montagne, réglisse, galanga
- Le cochon de Bigorre, thé vert, feuille de figuier
- Le baba au rhum, fruit de la passion, gingembre, vanille
Iode et Fleurs :
- L'huître spéciale Gillardeau n°3, chou-fleur, jasmin
- La sardine de Méditerranée, poireaux, thé Matcha
- La volaille de Bresse, couteaux, épinards, fleurs d'oranger
- La poire William, réglisse, violette
Le pain Syrah Viognier Maison Nicolas Perrier L'addition (2) : 222 €
La Dame de Pic
20 rue du Louvre, 75001 Paris (cliquez sur l'adresse pour afficher le plan)
Téléphone : 01 42 60 40 40
Métro : Louvre-Rivoli
Ouvert lundi au samedi, service jusqu'à 22:30.
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