Tim Raue - Berlin : Ma chère crevette, on voulait te dire...
Deux étoiles au Michelin depuis 2012, presque dans The World’s 50 Best Restaurants puisqu’il figure à la… cinquante-deuxième place, Tim Raue est le Chef qui a nourri Barack Obama et Angela Merkel en juin 2013, le Chef chouchou de Berlin, le Chef qui a grandi à Kreutzberg et revendique ses origines populaires dans son livre « Ich weiss was Hunger ist » (Je sais ce qu’est la faim), le Chef qui vend désormais quatre crevettes à 48 €…
C’est un sentiment mitigé que le nôtre en quittant cette table élégante, est-ce le fait d’avoir dîné sous un immense tableau de sacs poubelle ? D’avoir choisi de dîner à la carte et de voir les prix s’envoler ? Ou alors d’être perturbés par un service « qui se la veut cool » en tee-shirt noir mais qui est plus coincé qu’un service trois étoiles des années soixante ?
Ce jeune chef revendique une cuisine d’inspiration asiatique (Japon, Thaïlande et Chine), explique qu’il ne pourra donner le meilleur de sa cuisine s’il sert des plats végétariens et renonce au lactose…
Justement les amuse-bouches vous transportent immédiatement vers l’Extrême-Orient, et dans cette ambiance un peu trop épurée, c’est une impression d’abondance joyeuse mais trompeuse, trop de goûts s’affrontent et se perdent dans notre mémoire gustative.
« Le plat » de crevettes que nous avons hésité à attaquer en deux coups de baguettes est typique d’une cuisine de haute volée sans aucune générosité, un plat parfait de fashion week : deux crevettes rouges cuites, une purée de crevettes rouge au beurre, des chips de crevettes avec une poudre de poivre chinois fumé, du kumquat naturel et en gelée et du cresson du Sichuan. Ne pas oublier la version crue : deux crevettes, des herbes japonaises séchées, de la peau de kumquat, de la poudre de poivre chinois fumé… C’est très travaillé, (trop ?), les goûts sont justes et équilibrés mais cela ressemble à un speed-dating : à peine le temps de découvrir et pschitt c’est oublié.
Les langoustines dodues sont un peu plus nourrissantes dans un style cantonnais avec une sauce poisson, de la mangue et des carottes. Il y a aussi de la langoustine hachée dans une farine d’amidon frite dans un wok. C’est séduisant avec une belle profondeur de saveurs et un jeu intéressant de textures.
Le jarret de cochon de lait avec un dashi en gelée et de la moutarde japonaise est à la fois fondant et croustillant. Cela pourrait être doucereux mais le jeune gingembre en pickle redresse le plat avec vigueur. Sans doute notre coup de coeur.
Le plat signature est un peu décevant car on ne peut s’empêcher de le comparer à un « vrai » canard à la pékinoise. Il est ici réinterprété, revisité par Tim Raue, pas de galette de riz, pas de sauce brune, pas de ciboule, peu de peau croustillante et laquée mais il y a bien les trois services : la poitrine d’abord posée sur une gaufre aux cinq épices, pomme et poireau, jus de pattes de canard, le bouillon ensuite, sans doute le plus intéressant, puissant et animal avec la langue, le cœur, l’estomac et aussi de la courge cireuse et des champignons bambou et enfin plus surprenant, mais respectons la créativité du Chef… une terrine de foie de canard, avec pickle de concombre, crème de foie et gingembre. Comment dire ? Ne disons rien.
Pas de fromages ici et on avait oublié pas de pain non plus, le choix du Stilton était donc une erreur ! En fait c’est plutôt une crème de Stilton avec une crème de fromage, avec du parmesan râpé, deux feuilles de salade Trévise dont l’amertume ne sauvera pas le plat, des poires en pickles… et une sauce à la bergamote. Plutôt écœurant malgré les pickles et à vrai dire sans aucun intérêt. Quand le fromage est bon (bon, bon) on lui fout la paix.
En revanche, le dessert céleri et chocolat interpelle mais séduit ! Une mousse de racine de céleri en compote, avec du chocolat Dulcey, un chocolat blond, ni tout à a fait blanc, ni tout à fait noir, du citron vert, de la sauce de Kalamansi (un agrume au goût d’orange amère très présent dans la cuisine philippine), du jus de céleri, du sorbet de céleri glacé dans de l’azote, et du poivre vert de Sichuan en pickle.
Vous l’avez compris nous n’avons pas succombé à la Tim Raue mania malgré la perception d'un vrai talent. On pourrait écrire un billet qui commencerait ainsi « Ma chère crevette, on voulait te dire qu’on ne donnera pas suite au speed-dating, MIAM et au-revoir… ». Un conseil tout de même si vous souhaitez découvrir ce Chef, allez-y le midi et choisissez le menu, les prix sont plus doux...
Nous avons choisi à la carte :
- Crevettes, paprika fumé, kumquat
- Langoustine, wasabi, style cantonais
- Canard à la pékinoise, interprétation TR
- Cochon de lait, dashi, moutarde japonaise => Notre coup de coeur
- Stilton, poire, bergamote
- Dulcey, agrumes, poivre vert du Sichuan
Le pré-dessert Grüner Veltliner Weingut Bründlmayer 2013 L'addition (2) : 320 €
Vous aimez ? Vous avez envie de partager avec vos amis ?... Dîtes-le... C'est juste en dessous, à la fin du billet :-)
Restaurant Tim Raue
Rudi-Dutschke Strasse 26, 10969 Berlin - Métro : Kochstrasse
Téléphone : +49 30 259 37 930 - tim-raue.com
Ouvert du mercredi au samedi de 12:00 à 13:30 et du mardi au samedi de 19:00 à 21:30