Le Clair de la Plume - Grignan : Un dîner à la belle étoile, comme un présage...
Quitter la grisaille parisienne et filer vers le Sud est un joli moyen de lutter contre le spleen de la rentrée. Direction la Drôme Provençale, la belle Drôme Provençale. On s’arrête à Grignan pour au moins écrire des cartes postales à défaut d’écrire de longues lettres comme le fit la Marquise de Sévigné à sa fille venue s’installer ici. Elle la rejoindra quelques fois et y mourut finalement, sans oublier d’y laisser partout son esprit et son empreinte, son corps rejoignant la touchante collégiale.
Mais c’est aussi, et peut-être surtout, un bon prétexte pour se réfugier au Clair de la Plume. Oui, se réfugier est le bon mot tant en arrivant ici on se sent immédiatement enveloppé de la douceur d’un refuge, plus de stress, plus de vitesse et tout à coup l’envie d’écrire à la plume et de repousser le clavier, le crissement sur le papier contre les tic-tic des touches. C’est aussi ce que nous avions ressenti en arrivant chez Eric Guérin à La Mare aux Oiseaux ou chez Nicolas Masse aux Sources de Caudalie. Il n’est pas question ici de comparer les cuisines, mais de parler de ce bien-être qui vous envahit aussitôt que vous franchissez la porte…
La vieille bâtisse des XVIIème et XVIIIème siècles accueille non seulement une dizaine de chambres mais aussi la terrasse-jardin qui est la plus belle des salles à manger quand le temps est clément (tout le temps ?), la verrière de style XIXème où le matin on entend les oiseaux chanter, le petit salon au meuble des eaux de vie, la vieille cuisine où on installe le buffet du petit déjeuner autour d’un piano bleu que nous aurions volé si notre bonne éducation (et la tonne de fonte) ne nous avait pas retenus.
Il y a aussi un peu plus loin une autre maison comme une maison d’hôtes et après les terrains de pétanque sous les platanes protecteurs du soleil ce joli jardin méditerranéen qui sent bon la lavande et où on peut se restaurer de manière simple mais bonne. Caché, l’ancien réservoir d’eau des maraîchers a été transformé en bassin de nage biologique, adieu chlore et javel, comme l’impression de plonger dans un lac de montagne. Et puis, le vieux cabanon des mêmes maraîchers est devenu un pavillon pour deux, imaginé par Jean-Luc Valadeau, le propriétaire des lieux. La vue sur Grignan au lever comme au coucher du soleil est à elle seule une bouffée de bonheur. Le petit jardin privé invite à la paresse et à minuit on a ici le bassin pour soi tout seul, dans le ciel des milliers d’étoiles et aussi la pleine lune. Il y règne une atmosphère particulière, hors du temps avec le sentiment d'être seuls au monde ; y séjourner est une chance, un privilège.
C’est en 2010 que Jean-Luc a décidé d’ouvrir aussi une table et plus seulement un salon de thé. Le succès est immédiat et l’idée d’en faire une très bonne table fait son chemin. En 2012, une nouvelle cuisine est construite, six mois de travaux, la reconnaissance par un titre de Maître Restaurateur et enfin la rencontre avec un Chef et un Chef Pâtissier qui nous ont bluffés par leur talent et leur incroyable humilité. Que c’est bon et rafraîchissant quand tant de Chefs aujourd’hui semblent oublier que l’important c’est d’abord de cuisiner, bien avant de paraître et parader. Depuis 2013 donc c’est Julien Allano qui dirige les cuisines et Philippe Riquier la pâtisserie. En juin 2013, Châteaux & Hôtels Collection classe le restaurant dans la catégorie « Grande Table ».
Ce qui est notable ici, c’est l’esprit d’équipe, l’esprit de concorde entre la salle et les cuisines, Julien comme Philippe parleront d’abord des équipes, le Chef nous parlera « d’une cuisine du cœur » et elle a plus de chaleur que bien des cuisines d’auteur… Elle fait la part belle aux produits régionaux, aux produits frais, il y a de la couleur, de la générosité. A l’image de ce simple œuf parfait à la truffe d’été déterrée à quelques pas d’ici, de la truffe de Grignan, que vient réveiller un cromesquis au parmesan, les parfums se provoquent mais ne s’affrontent pas, c’est simple mais si facile à rater ! Julien Allano a été le Chef de la Mirande à Avignon, ou encore du Palm Beach à Ajaccio, un Chef qui à chaque fois a accroché ou conservé une étoile à sa veste blanche. La langoustine est juste nacrée, là aussi qu’il est difficile de la cuire à la perfection et c’est bien le cas ici, la texture, la température, l’assaisonnement, tout est juste comme ce duo artichaut – brocoli. Il y a de l’émotion également comme pour ce loup, raffiné, distingué, si fin et ce ragoût aux haricots blancs, simple, brut presqu’un plat de campagne, la belle et la bête, et encore un joli contraste sans affrontement. Julien Allano aime à proposer un même produit en deux cuissons.
Il a ainsi un bœuf qui séduira les viandards ! Son cannelloni de queue de bœuf est une merveille de tendreté, on a failli écrire de tendresse ! Ce soir-là, l’agneau d’ici se donnait des airs orientaux, l’épaule confite est un pousse–au-crime gourmand tant elle est fondante, la côtelette au contraire a une belle mâche, les contrastes toujours, et ce tourton provençal, un beignet habituellement farci de pommes de terre et que le Chef a farci avec les légumes achetés au marché, juste à côté, sous les platanes, et sans doute aussi un peu de menthe… Avant de découvrir le joli travail de Philippe le pâtissier, nous n’avons pu résister au plateau de fromages que vous avez plébiscité sur la page Facebook ! Les picodons sont un petit bonheur simple…
Et voici les desserts, tout en équilibre, parfaite maîtrise du sucre comme pour ce soufflé chaud à la figue qui rappelle la sensation que l’on peut avoir quand on croque dans une figue tiédie au soleil et cueillie sur l’arbre à midi. Philippe Riquier aime comme il dit « les fruits d’ici et les chocolats d’ailleurs ». Son dessert chocolat vient de loin, un chocolat intense, aux arômes fruités, une force brute qui se prend un uppercut au citron, l’acidité arrive au bon moment, c’est troublant. Philippe, le taiseux ne dira pas son parcours et pourtant il a travaillé avc Guy Savoy, Arnaud Donckele, Christophe Aribert… Que du beau monde !
Jean-Luc Valladeau et sa belle équipe ont réussi leur pari, cette table est désormais une très belle table, une très bonne table, un TRIPLE MIAM ! Le ciel était rempli d’étoiles, et nous ne serions pas surpris qu’une vienne délicatement se poser ici.
En attendant d'y retourner, voici un extrait d'une lettre de Madame de Sévigné à sa fille : "Je pense sans cesse à Grignan, à vous tous, à vos terrasses, à votre belle et triomphante vue". C'était le 9 octobre 1689. Nous le dédions à Jean-Luc et à sa belle équipe du Clair de la Plume.
PS1 : On y était tellement bien que nous y sommes retournés le lendemain midi !
PS2 : N’oubliez pas de découvrir les vins d’ici, ils valent bien des châteaux prétentieux.
PS3 : Pour les prix et compte tenu des chambres, des différentes formules..., le mieux est d'aller sur le site du Clair de la Plume.
Notre dîner en sept services (79 €) :
- Oeuf parfait, truffe d'été de Grignan, cromesquis de parmesan
- Risotto d'épeautre, truffe d'été de Grignan
- Langoustine, brocoli, artichaut
- Loup cuit à basse température, ragout de coco
- Agneau en deux cuissons, courgette, tourtons de légumes
- Figue en soufflé chaud, en bouchée croquante et glace Bourbon
- Chocolat Tanzanie en jeu de textures sur une note citronnée
Terres des Amoureuses 2011 Les Dames Blanches du Sud 2013 Montine Emotion 2012
La corbeille de pains Mignardises Aroma-vapologie Airdiem
Réseaux sociaux, commentaires... pour partager, c'est juste à la fin du billet !
2 place du Mail, 26230 Grignan (cliquez sur l'adresse pour afficher le plan)
Téléphone : 04 75 91 81 30
Cuisine gastronomique du lundi au samedi au dîner et le dimanche au déjeuner et au dîner - Cuisine bistro du lundi au samedi au déjeuner
Retrouvez d'autres photos du Clair de la Plume en cliquant sur : BONUS PHOTOS !
Vous aimez ? Vous avez envie de partager avec vos amis ?... Dîtes-le... C'est juste en dessous :-)