Le Premier, Restaurant de l'Ecole Ferrandi - Paris 6 : La classe internationale !
Alors que des Cassandre s’interrogent sur l’avenir de la gastronomie française cherchant à dater sa disparition, alors que d’autres Cassandre se font peur en s’affolant de tous ces japonais, espagnols, américains ou autres australiens qui s’installent avec succès au pays de Monsieur Paul (Bocuse), ce dernier continue de conquérir le monde et donne toujours le cap, ralliez-vous à sa toque blanche !
C’est le même état d’esprit de conquête et d’ouverture qui règne à l’Ecole Ferrandi, l’école de la gastronomie française de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris. Nous avions découvert lors de notre passage au 28 (28 sur 20 !) des futurs chefs et futurs directeurs de salle pleins d’optimisme et avec une farouche volonté de découvrir le monde pour continuer à apprendre en se confrontant à la différence. Nous avons constaté au Premier, l’autre restaurant d’application de Ferrandi, cette même ambition en salle et en cuisine
En cuisine que des futurs chefs 100 % internationaux venus se former « à la française » mais en anglais, après la « fusion food », la « fusion school » !, l'Ecole Ferrandi accueille chaque année plus de deux cents jeunes (et moins jeunes) venus du monde entier, vingt-cinq nationalités différentes, se former au cœur de Paris.
Nous avons eu la chance de pouvoir les rencontrer avant de passer à table. Pourquoi viennent-ils ici ? « Pour apprendre la technique, les français sont les meilleurs », « Pour la réputation de l’école présidée par Monsieur Robuchon », « Pour les cours en anglais », « Pour le stage de six mois », « Parce que sur un CV, un an en France, premier pays de la gastronomie, c’est l’assurance d’un emploi dans mon pays »… Les réponses sont enthousiastes et diverses. Nul doute que d’ici peu ils diront aussi « Pour nos professeurs ! », les Chefs Sébastien de Massard et Stéphane Gabrielly qui le soir de notre dîner les coachaient en cuisine les marqueront, c’est certain, il y a chez ces deux là la passion de partager, cela se voit, deux chefs certes mais aussi deux pédagogues polyglottes. Au 28, les élèves étaient en dernière année, le repas reflétait déjà leur cuisine, là nos apprentis cuisinier ne sont là que depuis un mois, les soixante couverts qui seront envoyés reposent aussi sur les épaules des Chefs qui nous feront remarquer que certains n’avaient jamais cuisiner auparavant, ils étaient architectes, avocats, cadres, les envies de reconversion en cuisine ne sont pas seulement une mode française !
En salle, on retrouve deux autres professeurs, Catherine Lecene qui nous avait déjà marqués par son énergie positive au 28 et son collègue Jean-Michel Robier (à gauche sur la photo, nous n'avons pas résisté à l'envie de cette jolie photo de classe, professeurs et élèves ont joué le jeu mais en fin de service bien entendu). La salle est confiée ce soir là aux élèves de première année du Bachelor Manager de Restaurant : acquisition et maîtrise des techniques de base du service de restaurant, anglais, sciences et hygiène, droit, marketing, communication mais aussi apprendre à organiser, planifier, manager ; le programme est chargé, ambitieux, il y aura même en dernière année un projet de création d’entreprise, qui a dit que le service c'est facile ?
C’est Arthur et Julie qui s’occuperont de notre table, ils le feront avec talent et bonne humeur. Ils ont déjà de sacrées aptitudes à la communication ! Arthur revient d’un stage au Plazza Athénée où il a beaucoup appris, Julie d’un stage au Mets Gusto où elle a découvert la bistronomie, un palace, un bistrot, et si cela témoignait de l’étendue des possibles de la gastronomie française ? Julie, sommelière d’un soir puisque l’œnologie est aussi au programme, ouvrira ce Château Chasse-Spleen, sublime, qui aura assez peu de travail car en pareil endroit, pas de place pour le spleen, la joie des équipes est communicative.
Une jolie carte avec au choix deux entrées, deux poissons, deux viandes et un dessert. Dès l’entrée le ton est donné : beau et bon à la fois. Les Saint Jacques marinées jouent avec la mangue, l’algue de nori et le navet, on est dans un subtil équilibre iodé-sucré-salé. C’est sans doute le plat le plus abouti en termes de présentation, un très joli tableau où la rigueur et l’ordonnancement sont contrebalancés par la poésie des fleurs de bourrache et des pétales de capucine. Pour la deuxième entrée, on est dans la grande tradition française, nos apprentis chefs ont non seulement cuisiné l’escargot mais aussi cette terrine de pied de porc qui sert de tapis aux cromesquis, là aussi, les équilibres entre le croustillant et le tendre et entre les parfums sont atteints, rien de fort dans ce plat qui pourrait faire peur, un plat canaille sans peur et sans reproche !
On retrouvera la délicatesse de la première entrée avec la tarte fine de Saint Jacques mais des goûts très différents, le beurre vanillé fait le pont entre les cultures et c’est bien ainsi. La raie est présentée de manière peu banale (l’avions-nous déjà vue ainsi ?), en tronçon, cela fond sans se déliter pour autant, cela change de la raie aux câpres ou au désormais mal-vu beurre noir , harissa et quinoa en tajine, la gastronomie française a certes des racines mais aussi des ailes qui lui permettent d’aller chercher au-delà des frontières.
Si le paleron braisé est plus classique, son accompagnement ne l’est pas mais c’est du côté du canard qu’il faut chercher la complexité : deux cuissons, en filet, classique (nous aurions aimé une peau plus croustillante, c’est la seule chose que nous aurons trouvé à dire quand les futurs chefs nous demanderont avec insistance de les critiquer !) et les cuisses en pastilla, superbe pastilla ! À peine épicée, juste assez pour s’évader vers les remparts de Marrakech mais aucune comparaison avec la classique pastilla de pigeon, on est dans l’inspiration, pas dans la copie.
Excellente idée pour finir que cette tarte au feuilleté léger et aux fruits rafraîchissants, Arthur découpera la tarte en salle, deux grandes tartes longues, une un peu brouillon, comme un jardin à l’Anglaise, comme un mix-border du Château de Touffou, une très rangée, très organisée, comme un jardin à la Française, comme un hommage à Versailles de ces jeunes chefs venus d’ailleurs.
C’est un MIAM évidemment, et si nous n’avions pas eu peur de créer une compétition sans doute inutile avec Le 28, nous aurions peut-être mis MIAM MIAM, à moins que ce ne soit le second effet du Chasse-Spleen. Attention réservation obligatoire et prudente des semaines, voire des mois avant.
Le dîner du 28 février 2013 :
- Cromesquis de joue de cochon et escargots, saveurs des prés
- Noix de Saint-Jacques marinées, saveurs marines et aigres douces => Notre coup de coeur
- Aile de raie et quinoa en tajine à l'huile pimentée "harissa"
- Tarte de Saint-Jacques, beurre blanc à la vanille
- Paleron braisé, poivron piquillo grillé, céleri et endives au jus d'orange
- Filet de canette et sa cuisse en pastilla, jus court aux épices, gratin de charlotte et topinambour
- Tarte feuilletée aux fruits
Le pain L'addition (2) : 125.50 €
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Le Premier, Ferrandi
28 rue de l'Abbé Grégoire, 75006 Paris (cliquez sur l'adresse pour afficher le plan)
Métro : Saint-Placide, Rennes, Sèvres-Babylone
Déjeuner à 12:30 du mardi au vendredi - Dîner à 19:30 certains jeudis.Fermeture le week-end et pendant les vacances scolaires. Uniquement sur réservation.
L'autre restaurant d'application de Ferrandi : Le 28. Déjeuner à 12:30 mercredi, jeudi et vendredi - Dîner à 19:30 lundi et mardi.
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