Chez Vincent - Marseille : enfin... chez Rose - Les bonnes tables (ou pas) de Jack et Walter

29 juillet 2013

Chez Vincent - Marseille : enfin... chez Rose

Alors que la gastronomie marseillaise se cherche et se trouve avec des Chefs comme Gianetti, Mazzia, Zapata ou Portos, elle a aussi ses racines, ses repères et Chez Vincent est comme un vieux phare, plus de trente ans déjà que Vincent et sa mère ont ouvert cet endroit étonnant , mélange de pizzeria, d’auberge marseillaise et de trattoria italienne.
Comme nous diront les serveuses, « Ouh là , Vincent il fait son âge, il ne vient plus, c’est désormais Rose, sa sœur qui a pris le relais ! Té, la voilà justement »
Rose, quatre-vingt-dix printemps entre en salle, Rose fait son tour de salle, elle en fera même deux. Elle embrasse les habitués. Elle pose sa petite main blanche et gracile sur votre épaule, autant pour vous témoigner son affection que pour prendre appui. « … Je fatigue, j’ai pris quelqu’un pour m’aider en cuisine, vous savez à quatre-vingt-dix ans, je n’ai plus la même force qu’avant … ». On lui dit qu’on la trouve jolie, elle rit et nous dit « … Vous êtes gentils ! Qu’avez-vous pris ? Les pieds et paquets. Très bon choix … ». Et puis elle avance à petits pas vers une autre table : « Vous savez ce qu’ils m’ont dit ? Que j’étais jolie… ». Rose a mis son tablier blanc impeccable, ses yeux malicieux vous dévisagent à travers des lunettes de métal argenté, ses cheveux blancs bouclés lui donnent des airs de mamie gâteaux, d’aucuns disent qu’elle n’est pas toujours de bonne humeur, des mauvaises langues, parfois elle noue un petit foulard autour de son cou, elle est jolie et coquette Rose.

Ici la décoration ne semble pas avoir évolué depuis l’ouverture, pourvu qu’aucun « designer » n’ait l’idée de tout changer, il y a une jolie photo en noir et blanc de Vincent, pas loin il y a aussi un portrait de… Napoléon et des tableaux de maître au mur, enfin des reproductions.

Le trottoir-terrasse est déjà pris d’assaut par les Marseillais la première salle qui donne sur la cuisine et le four à pizza est vide, sans doute fait-il trop chaud, la deuxième salle est plus fraîche, enfin moins chaude. Le four à bois est là depuis le début, recouvert de faïence verte et orange très soixante-dix, le pizzaïolo en short nous enverra une parfaite pizza aux anchois, pâte aérienne, quelques anchois bien salés qui donnent la pépie, un peu de sauce tomate et d’origan et basta ! Un rosé frais de Cassis, on en a connu des meilleurs, on aurait dû faire moins ambitieux, calme la soif, le bonheur c’est parfois si simple, même plaisir avec l’assiette de charcuterie italienne, on dit que Rose est sicilienne, une assiette sans chichi, ce ne sont pas des charcuteries exceptionnelles, c’est simple à l’image du carré de beurre doux Casino, que les foodistas ne cherchent pas ici le beurre Bordier aux algues…

La carte est un drôle de mélange, c’est une carte qu’il faudra redécouvrir quand il fera plus frais sur le Vieux Port, il y a les pizzas bien entendu, et les pâtes aussi, celles de nos voisins sentent l’ail, prudents il et elle en ont pris tous les deux, mais on a aussi comme un inventaire à la Prévert : escargots de Bourgogne, soupe au pistou, aubergines parmesanes, salade de foies de volaille, foie de veau au Xérès, osso buco, poissons grillés au poids en fonction de la pêche du jour, des calamars et… des pieds et paquets maison qui ont fait la réputation de Vincent puis de Rose. « En hiver, on en sert des dizaines chaque jour, moins en été ... ». Traduction : il n’y a que des Parisiens pour prendre des pieds et paquets par quarante degrés ! On assume. Le saladier blanc arrive, brûlant, deux grosses pommes vapeurs, des herbes fraiches, des pieds de mouton dont la chair se détache toute seule, laissant les osselets blancs comme des jeux de cour de récréation, et les paquets ! Ames sensibles s’abstenir : la panse de mouton est découpée et roulée en forme de paquet que l’on va remplir d’une farce de poitrine de porc ou de petit salé, avec de l’ail, du persil, du poivre et que l’on fait mijoter tranquillement dans une sauce au vin blanc et à la tomate sans oublier les pieds de mouton… Bien entendu Rose ne nous donnera pas sa recette, on dit que chaque famille marseillaise a sa propre recette de pieds et paquets, on dit beaucoup de choses aux gourmands trop curieux… qui ont aimé ce plat marseillais, fort en goût, voire puissant mais délicat en même temps, justement épicé il donne le rouge aux joues et la sueur au front !
L’escalope milanaise n’est pas le fort de la maison, un côté trop cuit, un côté pas assez cuit, mais pourquoi ici cela n’a aucune importance ? Est-ce parce que le gratin de choux fleur a le bon goût d’une cuisine sans prétention ? On aurait dû prendre un poisson grillé.
Par contre ne passez pas à côté du flan au caramel, une crème avec beaucoup d’œufs et de caramel, qui a cuit dans le four à bois dans des moules de fer festonnés. Une crème qui a le bon goût d’un dessert de famille, ne cherchez pas ici le plus grand pâtissier, contentez-vous de profiter du moment, de l’instant, d’un bout d’histoire culinaire marseillaise à deux pas de l’Opéra.

Oui chère Rose, vous êtes bien jolie… et Chez Vincent, chez vous, c’est désormais notre cantine marseillaise, à très vite. Et hop, classement direct dans nos MIAM.

Nous avons choisi à la carte :